Coulisses de tournage pour le parcours de visite du dôme de La Grave, Toulouse
13 mai 2022 #ProjetLaGrave
Ce vendredi 13 mai 2022 je suis dans le train de retour de Paris, je rentre de 2 jours de tournage avec Animaviva Productions pour mon projet toulousain de la chapelle de La Grave et je me sens pleine de gratitude.
Gratitude pour cette équipe de production et ces comédiens qui ont donné vie à ce projet sur lequel je travaille depuis 4 ans sur l’histoire de l’hôpital de La Grave du temps du Grand Renfermement. Merci à Lelio, Violaine, Evelyne, Audrey, Jean et Mathias d’avoir incarné, habité et raconté la vie de ces 6 résidents de La Grave avec une si belle énergie, merci d’avoir prêté votre corps, votre jeu, votre gestuelle mais aussi votre sensibilité à ce voyage historique. J’ai aimé vous confier mes 6 personnages, vous laisser faire corps avec eux, y mettre un peu de vous, j’ai aimé vous faire confiance.
Voici l’histoire…
De la deuxième moitié du 17e s. au milieu du 19e siècle, l’hôpital de La Grave était en mesure d’accueillir simultanément quelques milliers de résidents. Essentiellement pauvres et miséreux, ses résidents comptaient selon les périodes : pestiférés, mendiants, vieillards, invalides (bossus, aveugles, paralytiques, etc.), prostituées, orphelins, insensés et épileptiques. Pendant l’hôpital général, ils étaient confinés dans l’enceinte de l’établissement, contraints à une discipline stricte et des règles de vie dictées par les messes et prières. Travail pour les hommes et femmes en capacité physique, éducation pour les jeunes filles et jeunes garçons, ils étaient encadrés par un personnel religieux et administratif, levés à 5h, été comme hiver.
L’objectif de cette partie du parcours de visite est de rencontrer ces résidents et de leur donner la parole. Sur la base de données collectées dans la bibliographie, j’ai imaginé 6 personnages pour incarner et évoquer la vie à l’hôpital de La Grave durant cette période de l’histoire.
L’expérience de visite
Nous avons imaginé placer le visiteur en situation de croiser au hasard de sa visite dans le déambulatoire du dôme de La Grave 6 personnages fictifs, anciens résidents de l’hôpital : Arnaud Baric, Etienne, Jeanne Coste, Soeur Chagny, Théodore Dejean et Suzanne Roques.
Ces personnages seront incarnés par des comédiens filmés échelle un dans le décor de la Chapelle, en situation de pénombre. Ils seront postés au dos des 6 piles sur un écran vertical, en regard avec le visiteur et à la même échelle pour une confrontation directe. Les personnages se mettent à parler à la demande du visiteur qui devra appuyer sur un bouton.
Les 6 personnages
Arnaud Baric, religieux, 1650
Prêtre missionnaire apostolique, fondateur de l’hôpital général Saint-Joseph de La Grave, il a une cinquantaine d’années en 1650, on le découvre assis derrière son bureau en bois, il écrit une lettre. Acteur infatigable et zélé du Grand Renfermement, contemporain de Saint-Vincent-de-Paul, il est dévoué à la tâche de « sauver » les pauvres mais pour lui la charité ne va pas sans répression. Dès 1646-47, il écrit « L’Aumône générale » qui est un appel à la charité publique, pour venir en aide aux pauvres. Dans cet ouvrage il s’interroge sur le fond du problème, en déclarant : « Je ne sçay si en faisant l’aumosne comme on la faict, on ne faict plus de mal que de bien… ».
Etienne, 9 ans en 1785
Etienne est un jeune garçon qui doit avoir 9 ou 10 ans. Il est assis par terre à même le dallage de pierre, adossé au mur de brique. Il est habillé de vêtements un peu trop grands pour lui. Un pantalon troué au genou et une veste marron sur une chemise ouverte. Il tient un morceau de bois assez court dans la main, qu’il sculpte avec un petit couteau. Il représente les enfants abandonnés, illégitimes et orphelins qui sont très nombreux à La Grave au 18ème s. Sa vie s’inspire librement des données que j’ai trouvé dans les archives historiques. Il a été abandonné par ses parents, devenus trop pauvres pour l’éduquer. Il a un certificat de pauvreté et un acte de baptême. Il parle de sa vie difficile à La Grave (les punitions pour les garçons turbulents, les prières, etc.), de l’éducation dont il bénéficie, de son espoir d’être placé en apprentissage chez un artisan de la ville lorsqu’il aura 11 ou 12 ans.
Suzanne Roques, 1700
Suzanne Roques est une femme d’une soixantaine d’années, elle représente la population des vieillards et vieilles femmes, qui constituent au moins la moitié des résidents de l’hôpital. Elle souffre de nombreuses boiteries, d’arthrose, elle peut difficilement marcher, s’appuie sur une canne mais son état ne nécessite pas de soins médicaux particuliers donc elle ne relève pas de l’Hôtel-Dieu. Considérée cependant comme invalide, elle est logée dans un quartier spécialement dédié à son handicap. Elle se plaint cependant d’avoir constamment froid dans son dortoir, et de mal dormir. Les ‘appartements’ sont très insalubres, les paillasses grouillent de punaises, les ‘lieux d’aisance’ exhalent d’immondes odeurs. Elle s’est rendue d’elle-même à l’hôpital, ayant perdu toute sa famille et tous ses biens après la dernière épidémie de peste et n’étant plus en capacité de travailler. Elle avait un mari, un enfant, un commerce. Mais son affaire a fait faillite après la peste de 1652. Elle a attrapé la peste et s’en est miraculeusement sortie, mais avec de lourdes séquelles. Elle s’est retrouvée handicapée, incapable de travailler, sans famille et ruinée. Elle a erré dans les rues jusqu’à être ramassée par les Gardes.
Jeanne Coste, 1740
Elle a 18 ans, nous sommes en 1740. Elle s’est faite enfermée de force à l’hôpital, certainement suite à un billet des Capitouls priant les directeurs de l’hôpital de l’y envoyer, après des témoignages de voisins ou du curé de son quartier. Issue d’une famille très pauvre, elle est accusée d’avoir eu une relation amoureuse avec un jeune homme de bonne famille. Les directeurs de l’hôpital acceptent de recevoir les femmes qui se rendent volontairement dans l’hôpital pour ‘prendre à l’avenir le train d’une meilleure vie’, et d’enfermer par la force toutes celles qui auront pris leur pauvreté comme prétexte à leur débauche. A son arrivée elle a été enfermée dans la maison de force, quartier réservé aux femmes de mauvaise vie, aux prostituées, aux voleuses et à celles coupables d’avortement. Le quartier était situé dans une tour de La Grave, avec un immense dortoir, des surveillantes sévères et une discipline très stricte. Elle raconte le sort réservé aux filles étrangères à cette époque, elles étaient chassées de la ville pour toute leur vie avec défense d’y rentrer sous peine d’être exposées au pilori avec un écriteau portant devant et derrière les mots «prostituée publique » et sous peine d’être enfermées 6 ans dans la maison de Force de La Grave. La prostitution fournissait la majorité des pensionnaires du quartier de force après exécution des sentences (soit la promenade punitive dans les rues de la cité, soit la mouillure). Jeanne raconte son quotidien : elle est employée au sein des manufactures de l’hôpital, pour la couture, le tissage, le filage. Elle est également instruite, elle a appris à lire, à écrire auprès des Filles de la Charité présentes à l’Hôpital. Elle est habitée par des sentiments de révolte et de colère… Les traitements infligés aux femmes étaient cruels, elles purgeaient des peines allant jusqu’à 10 ans pour des faits dérisoires. Elles travaillaient dur, elles étaient soumises à une discipline sévère et à des abus et maltraitances, ce qui conduisit à des mouvements de révolte allant de la simple grogne à l’incendie volontaire. Nous avons essayé d’évoquer le sort des femmes dans ses institutions publiques à travers le personnage de Jeanne.
Soeur Chagny, 1840
Ce portrait s’inspire librement de Soeur Chagny, née vers 1782, Supérieure des Filles de la Charité, elle a vécu 46 ans à l’Hôpital de La Grave. Elle y est morte en laissant toute sa fortune aux pauvres de l’hôpital. Les Filles de la Charité sont chargées de l’accueil des malades et des soins qui doivent leur être prodigués, tant sur le plan «spirituel que temporel».
Théodore Dejean, 1810
Théodore Dejean, un homme d’une quarantaine d’année, est recroquevillé dans un lit en bois, sa chemise est trempée, des chaînes lui attachent les pieds. Théodore souffre d’épilepsie, un « mal caduc » à l’époque. A l’hôpital général de la Grave, comme dans bon nombre d’hôpitaux, on opte pour le fer et le cachot pour contenir les éléments perturbateurs que l’on appelle les insensés. Les fous ou maniaques étaient environ une centaine en 1795, de tout âge et de tout sexe, arrivant non seulement du voisinage de Toulouse, mais encore des communes éloignées. Pour remédier à leurs maux, parmi les remèdes les plus usités, il y avait les saignées au bras, au pied et au cou, le tartre stibié en lavages, les purgatifs réitérés, les lavements, les bains et la douche sur le sommet de la tête. Leur fureur était calmée à force de seaux d’eau glacée et de coups de bâton. Ils étaient le plus souvent mis dans des cachots garnis de bois, chauffés par les cendres chaudes du four.
Informations pratiques
Découvrez Arnaud Baric, Etienne, Jeanne Coste, Soeur Chagny, Théodore Dejean et Suzanne Roques dans le parcours d’interprétation du Dôme de La Grave, à Toulouse, tous les vendredi, samedi et dimanche à partir de 11h.